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.— Ce que vaut l’incroyance que les non-croyantes n’aiment pas remettre en question ? » dit Kélys, comme si elle n’avait parlé à personne en particulier.Antoné se retourna vers elle avec vivacité : « Je suis sceptique, c’est tout.Tant qu’il y a d’autres explications possibles à…— Tu voudrais être obligée de croire », dit Mooreï.Elle observait Antoné avec une sorte de tendresse triste.« Elli nous a faites libres de croire en Elli ou pas, libres de choisir.As-tu si peur de ta liberté, Antoné ? »Antoné resta un moment interdite.Des fluctuations violentes agitaient ses émotions.Colère, stupeur ? Lisbeï n’avait pas le temps de s’interroger là-dessus.Elle se demandait si elle allait taper sur la table pour faire revenir tout le monde au véritable sujet de la réunion, quand Tula prit la parole, de sa voix posée :« De toute façon, que ça dérange tout le monde ou pas, ce n’est pas un argument.Tu veux nous faire penser aux conséquences, Mère Selva, et oui, bien sûr, il y aura des discussions et sûrement des disputes et des révisions difficiles et des changements.Mais si les Compagnes ou les disciples avaient décidé de ne pas dire la vérité à cause des difficultés possibles – et il s’agissait de leur mort possible, pour commencer – où serions-nous aujourd’hui ? Antoné et Kélys aussi ont raison, chacune à sa façon : si on ne croit pas assez en une chose pour ne pas craindre de la remettre en question, alors, il faut changer de croyance.Je crois que nous devons dire la vérité à la Famille et à l’Assemblée, même sans une position unanime de Béthély sur la question.»Elle s’arrêta brusquement et baissa la tête.Il y eut un petit silence.« Oyez, oyez, murmura Kélys.La vérité, dit enfin Selva, maussade.Quelle « vérité » ? Il y a quelques faits, des allégations non prouvées et une montagne d’hypothèses.On est loin d’une « vérité » ! Ce que je vois, moi, c’est que déclarer cela à l’ouverture de l’Assemblée va déclencher des palabres interminables, dont ni les unes ni les autres ne sortiront renforcées et qui retarderont d’autant les discussions sur la motion de Névénici et la nôtre, ou du moins celle de Llétréwyn.Et c’est cela, le sujet important.Pour toutes les Familles, pour tout le Pays des Mères.C’est important maintenant.Il faut commencer l’exploration à l’Ouest.La situation deviendra vite insupportable, sinon, avec quelles conséquences… Vous avez vu les courbes démographiques préparées par Antoné.C’est plus important que de savoir si Garde se considérait comme une Fille ou une Voix d’Elli, ou si les Juddites des Ruches, ou des Harems, ou les deux, ont menti sur ce qui s’est passé !— Plus important, Selva ? dit Mooreï d’une voix grave qui contenait un reproche.C’est important d’une façon différente.Mais c’est aussi important.— Si des famines éclatent dans quelques années, ce ne sera pas Garde qui viendra nous donner à manger, remarqua Antoné.— Si des famines éclatent dans quelques années, ce que nous sommes et ce que nous croyons nous devoir les unes aux autres déterminera les choix que nous ferons.» Mooreï parlait soudain d’une voix résonante que Lisbeï ne lui avait jamais entendue.« Et nous sommes notre foi, nous sommes la Parole, oui, même toi, Antoné et même les plus Progressistes des progressistes.Le Pays des Mères tout entier est tel que la modelé l’héritage de Garde.Non seulement la Parole, mais le Service et la Danse de la Célébration.Elles font partie de nous et déterminent nos actes tout autant que le taux de croissance de la population ou le pourcentage de terres cultivables.»Puis Mooreï sembla rapetisser et redevint Mooreï, qui sourit à Antoné : « Je sais qu’il est toujours tentant de simplifier la vérité.Mais pas en la mutilant, Antoné.Ce serait une simplification mortelle.— La vérité, encore ! s’exclama Selva en laissant retomber ses mains sur la table avec un claquement sourd.Quelle vérité, enfin ? Et n’est-ce pas toi qui m’as enseigné que toute vérité n’est pas bonne à dire n’importe quand à n’importe qui ?— Ce n’est pas à n’importe qui ! protesta Lisbeï.C’est à l’Assemblée des Mères !Mais c’est plutôt n’importe quand, en effet », remarqua Kélys.Elle s’était levée en même temps et s’étirait avec grâce.Lisbeï la contempla comme les autres sans plus parler, confusément consciente que c’était l’effet recherché mais incapable d’en vouloir à Kélys.« Ou plutôt à un moment qui n’est pas forcément opportun.Il n’y a pas seulement la question de l’exploration à l’Ouest qui risque d’être retardée, ou même remise à plus tard.D’autres Familles ont des motions qu’elles considèrent sûrement comme tout aussi importantes.C’est l’Assemblée des Mères : certaines l’attendent depuis des mois pour résoudre leurs problèmes.Elles ne seront pas dans l’état d’esprit requis pour aborder des questions aussi graves que celles soulevées par le testament de Halde.Je trouve que Selva a raison : il serait plus raisonnable d’attendre après l’Assemblée pour en parler.Ce n’est pas comme s’il était question de ne rien dire du tout ! reprit Selva, heureuse de cette aide qu’elle ne semblait plus attendre.— Vraiment ? rétorqua Lisbeï.Et qu’est-ce qu’on va dire à la Famille ?— Plus tard.» Selva secouait la tête, agacée de nouveau.« On le lui dira plus tard aussi ! »Lisbeï, muette d’indignation, sentit l’accord résigné de Mooreï, l’accord approbateur d’Antoné.Kélys aussi hochait la tête.Tula leva une main au moment où Lisbeï allait exploser : « Vous voulez dire que c’est nous, ici, maintenant, qui décidons de ce que les autres peuvent entendre et comprendre ? dit-elle lentement.Nous décidons pour toutes les Rouges et toutes les Bleues et toutes les Vertes, non seulement de Béthély, mais de toutes les autres Familles ? De quel droit ? Ce n’est pas ainsi que Béthély est censée fonctionner, ni le Pays des Mères.»La barrière de Selva était en place, dure et brillante.Un moment la Mère considéra Tula, l’honnête incrédulité scandalisée de Tula.Elle eut un sourire sans joie : « Des choix imparfaits dans un monde imparfait, dit-elle.Apprends.»* * *(Antoné/Lettre, suite)Béthély, 4 de maïa 489 A.G.Ma Linta, comme je voudrais pouvoir te parler de tout ceci, même par lettre.Mais la décision du conseil me condamne à ne te parler vraiment qu’ici où tu ne peux m’entendre, en continuant la première lettre que je ne t’ai pas envoyée.Je comprends bien les raisons de Selva, je continue à penser que c’était le bon choix, mais en même temps je ne peux m’empêcher de comprendre aussi, et de partager, le ressentiment de Tula et de Lisbeï.Je me sens coupable de ce que je sais et que le reste de la Famille ignore !Officiellement, Lisbeï n’a rien trouvé d’intéressant dans son trou, dont l’entrée a été rebouchée.Elle a été punie pour y avoir consacré trop de temps, elle est retournée à ses devoirs et s’entraîne pour les Jeux.Je pensais (je craignais) quelle ne fasse un éclat, mais il n’en a rien été.Peut-être, comme Tula, est-elle encore trop sidérée de l’entorse faite par le conseil à la Charte de Béthély.Tula s’entraîne avec Mooreï et Selva au rôle qu’elle devra jouer après le 19 de junie, où elle sera déclarée, en pleine Assemblée, Mère désignée de Béthély – et prendra la place de Lisbeï près de Selva aux débats.Ni l’une ni l’autre n’a pipé mot depuis le conseil.Je ne sais si c’est un bon ou un mauvais signe pour Tula, dont la barrière est toujours dressée ces jours-ci [ Pobierz całość w formacie PDF ]
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