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.Texte abrogé, dit l'avocat du roi extraordinaire.Nego, répliqua l'avocat.Aux voix! dit un conseiller; le crime est patent, et il est tard.III.FIN DE L'ÉCU CHANGÉ EN FEUILLE SÈCHE 182 Notre Dame de ParisOn alla aux voix sans quitter la salle.Les juges opinèrent du bonnet, ils étaient pressés.On voyait leurs têteschaperonnées se découvrir l'une après l'autre dans l'ombre à la question lugubre que leur adressait tout bas leprésident.La pauvre accusée avait l'air de les regarder, mais son oeil trouble ne voyait plus.Puis le greffier se mit à écrire; puis il passa au président un long parchemin.Alors la malheureuse entendit le peuple se remuer, les piques s'entre-choquer et une voix glaciale qui disait:Fille bohème, le jour qu'il plaira au roi notre sire, à l'heure de midi, vous serez menée dans un tombereau,en chemise, pieds nus, la corde au cou, devant le grand portail de Notre-Dame, et y ferez amende honorableavec une torche de cire du poids de deux livres à la main, et de là serez menée en place de Grève, où vousserez pendue et étranglée au gibet de la ville; et cette votre chèvre pareillement; et paierez à l'official troislions d'or, en réparation des crimes, par vous commis et par vous confessés, de sorcellerie, de magie, deluxure et de meurtre sur la personne du sieur Phoebus de Châteaupers, Dieu ait votre âme!Oh! c'est un rêve! murmura-t-elle, et elle sentit de rudes mains qui l'emportaient.IV.LASCIATE OGNI SPERANZAIAu moyen-âge, quand un édifice était complet, il y en avait presque autant dans la terre que dehors.À moinsd'être bâtis sur pilotis, comme Notre-Dame, un palais, une forteresse, une église avaient toujours un doublefond.Dans les cathédrales, c'était en quelque sorte une autre cathédrale souterraine, basse, obscure,mystérieuse, aveugle et muette, sous la nef supérieure qui regorgeait de lumière et retentissait d'orgues et decloches jour et nuit; quelquefois c'était un sépulcre.Dans les palais, dans les bastilles, c'était une prison,quelquefois aussi un sépulcre, quelquefois les deux ensemble.Ces puissantes bâtisses, dont nous avonsexpliqué ailleurs le mode de formation et de végétation, n'avaient pas simplement des fondations, mais, pourainsi dire, des racines qui s'allaient ramifiant dans le sol en chambres, en galeries, en escaliers comme laconstruction d'en haut.Ainsi, églises, palais, bastilles avaient de la terre à mi-corps.Les caves d'un édificeétaient un autre édifice où l'on descendait au lieu de monter, et qui appliquait ses étages souterrains sous lemonceau d'étages extérieurs du monument, comme ces forêts et ces montagnes qui se renversent dans l'eaumiroitante d'un lac au-dessous des forêts et des montagnes du bord.À la bastille Saint-Antoine, au Palais de Justice de Paris, au Louvre, ces édifices souterrains étaient desprisons.Les étages de ces prisons, en s'enfonçant dans le sol, allaient se rétrécissant et s'assombrissant.C'étaient autant de zones où s'échelonnaient les nuances de l'horreur.Dante n'a rien pu trouver de mieux pourson enfer.Ces entonnoirs de cachots aboutissaient d'ordinaire à un cul de basse-fosse à fond de cuve oùDante a mis Satan, où la société mettait le condamné à mort.Une fois une misérable existence enterrée là,adieu le jour, l'air, la vie, ogni speranza.Elle n'en sortait que pour le gibet ou le bûcher.Quelquefois elle ypourrissait.La justice humaine appelait cela oublier.Entre les hommes et lui, le condamné sentait peser sur satête un entassement de pierres et de geôliers, et la prison tout entière, la massive bastille n'était plus qu'uneénorme serrure compliquée qui le cadenassait hors du monde vivant.C'est dans un fond de cuve de ce genre, dans les oubliettes creusées par saint Louis, dans l'in-pace de laTournelle, qu'on avait, de peur d'évasion sans doute, déposé la Esmeralda condamnée au gibet, avec lecolossal Palais de Justice sur la tête.Pauvre mouche qui n'eût pu remuer le moindre de ses moellons!Certes, la providence et la société avaient été également injustes, un tel luxe de malheur et de torture n'étaitpas nécessaire pour briser une si frêle créature.Elle était là, perdue dans les ténèbres, ensevelie, enfouie, murée.Qui l'eût pu voir en cet état, après l'avoir vueIV.LASCIATE OGNI SPERANZAI 183 Notre Dame de Parisrire et danser au soleil, eût frémi.Froide comme la nuit, froide comme la mort, plus un souffle d'air dans sescheveux, plus un bruit humain à son oreille, plus une lueur de jour dans ses yeux, brisée en deux, écrasée dechaînes, accroupie près d'une cruche et d'un pain sur un peu de paille dans la mare d'eau qui se formait souselle des suintements du cachot, sans mouvement, presque sans haleine, elle n'en était même plus à souffrir,Phoebus, le soleil, midi, le grand air, les rues de Paris, les danses aux applaudissements, les doux babillagesd'amour avec l'officier, puis le prêtre, la matrulle, le poignard, le sang, la torture, le gibet, tout cela repassaitbien encore dans son esprit, tantôt comme une vision chantante et dorée, tantôt comme un cauchemardifforme; mais ce n'était plus qu'une lutte horrible et vague qui se perdait dans les ténèbres, ou qu'unemusique lointaine qui se jouait là-haut sur la terre, et qu'on n'entendait plus à la profondeur où lamalheureuse était tombée.Depuis qu'elle était là, elle ne veillait ni ne dormait.Dans cette infortune, dans ce cachot, elle ne pouvait pasplus distinguer la veille du sommeil, le rêve de la réalité, que le jour de la nuit.Tout cela était mêlé, brisé,flottant, répandu confusément dans sa pensée.Elle ne sentait plus, elle ne savait plus, elle ne pensait plus.Tout au plus elle songeait.Jamais créature vivante n'avait été engagée si avant dans le néant.Ainsi engourdie, gelée, pétrifiée, à peine avait-elle remarqué deux ou trois fois le bruit d'une trappe qui s'étaitouverte quelque part au-dessus d'elle, sans même laisser passer un peu de lumière, et par laquelle une mainlui avait jeté une croûte de pain noir.C'était pourtant l'unique communication qui lui restât avec les hommes,la visite périodique du geôlier.Une seule chose occupait encore machinalement son oreille: au-dessus de sa tête l'humidité filtrait à traversles pierres moisies de la voûte, et à intervalles égaux une goutte d'eau s'en détachait.Elle écoutaitstupidement le bruit que faisait cette goutte d'eau en tombant dans la mare à côté d'elle.Cette goutte d'eau tombant dans cette mare, c'était là le seul mouvement qui remuât encore autour d'elle, laseule horloge qui marquât le temps, le seul bruit qui vint jusqu'à elle de tout le bruit qui se fait sur la surfacede la terre.Pour tout dire, elle sentait aussi de temps en temps, dans ce cloaque de fange et de ténèbres, quelque chose defroid qui lui passait çà et là sur le pied ou sur le bras, et elle frissonnait.Depuis combien de temps y était-elle, elle ne le savait [ Pobierz caÅ‚ość w formacie PDF ]
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.Texte abrogé, dit l'avocat du roi extraordinaire.Nego, répliqua l'avocat.Aux voix! dit un conseiller; le crime est patent, et il est tard.III.FIN DE L'ÉCU CHANGÉ EN FEUILLE SÈCHE 182 Notre Dame de ParisOn alla aux voix sans quitter la salle.Les juges opinèrent du bonnet, ils étaient pressés.On voyait leurs têteschaperonnées se découvrir l'une après l'autre dans l'ombre à la question lugubre que leur adressait tout bas leprésident.La pauvre accusée avait l'air de les regarder, mais son oeil trouble ne voyait plus.Puis le greffier se mit à écrire; puis il passa au président un long parchemin.Alors la malheureuse entendit le peuple se remuer, les piques s'entre-choquer et une voix glaciale qui disait:Fille bohème, le jour qu'il plaira au roi notre sire, à l'heure de midi, vous serez menée dans un tombereau,en chemise, pieds nus, la corde au cou, devant le grand portail de Notre-Dame, et y ferez amende honorableavec une torche de cire du poids de deux livres à la main, et de là serez menée en place de Grève, où vousserez pendue et étranglée au gibet de la ville; et cette votre chèvre pareillement; et paierez à l'official troislions d'or, en réparation des crimes, par vous commis et par vous confessés, de sorcellerie, de magie, deluxure et de meurtre sur la personne du sieur Phoebus de Châteaupers, Dieu ait votre âme!Oh! c'est un rêve! murmura-t-elle, et elle sentit de rudes mains qui l'emportaient.IV.LASCIATE OGNI SPERANZAIAu moyen-âge, quand un édifice était complet, il y en avait presque autant dans la terre que dehors.À moinsd'être bâtis sur pilotis, comme Notre-Dame, un palais, une forteresse, une église avaient toujours un doublefond.Dans les cathédrales, c'était en quelque sorte une autre cathédrale souterraine, basse, obscure,mystérieuse, aveugle et muette, sous la nef supérieure qui regorgeait de lumière et retentissait d'orgues et decloches jour et nuit; quelquefois c'était un sépulcre.Dans les palais, dans les bastilles, c'était une prison,quelquefois aussi un sépulcre, quelquefois les deux ensemble.Ces puissantes bâtisses, dont nous avonsexpliqué ailleurs le mode de formation et de végétation, n'avaient pas simplement des fondations, mais, pourainsi dire, des racines qui s'allaient ramifiant dans le sol en chambres, en galeries, en escaliers comme laconstruction d'en haut.Ainsi, églises, palais, bastilles avaient de la terre à mi-corps.Les caves d'un édificeétaient un autre édifice où l'on descendait au lieu de monter, et qui appliquait ses étages souterrains sous lemonceau d'étages extérieurs du monument, comme ces forêts et ces montagnes qui se renversent dans l'eaumiroitante d'un lac au-dessous des forêts et des montagnes du bord.À la bastille Saint-Antoine, au Palais de Justice de Paris, au Louvre, ces édifices souterrains étaient desprisons.Les étages de ces prisons, en s'enfonçant dans le sol, allaient se rétrécissant et s'assombrissant.C'étaient autant de zones où s'échelonnaient les nuances de l'horreur.Dante n'a rien pu trouver de mieux pourson enfer.Ces entonnoirs de cachots aboutissaient d'ordinaire à un cul de basse-fosse à fond de cuve oùDante a mis Satan, où la société mettait le condamné à mort.Une fois une misérable existence enterrée là,adieu le jour, l'air, la vie, ogni speranza.Elle n'en sortait que pour le gibet ou le bûcher.Quelquefois elle ypourrissait.La justice humaine appelait cela oublier.Entre les hommes et lui, le condamné sentait peser sur satête un entassement de pierres et de geôliers, et la prison tout entière, la massive bastille n'était plus qu'uneénorme serrure compliquée qui le cadenassait hors du monde vivant.C'est dans un fond de cuve de ce genre, dans les oubliettes creusées par saint Louis, dans l'in-pace de laTournelle, qu'on avait, de peur d'évasion sans doute, déposé la Esmeralda condamnée au gibet, avec lecolossal Palais de Justice sur la tête.Pauvre mouche qui n'eût pu remuer le moindre de ses moellons!Certes, la providence et la société avaient été également injustes, un tel luxe de malheur et de torture n'étaitpas nécessaire pour briser une si frêle créature.Elle était là, perdue dans les ténèbres, ensevelie, enfouie, murée.Qui l'eût pu voir en cet état, après l'avoir vueIV.LASCIATE OGNI SPERANZAI 183 Notre Dame de Parisrire et danser au soleil, eût frémi.Froide comme la nuit, froide comme la mort, plus un souffle d'air dans sescheveux, plus un bruit humain à son oreille, plus une lueur de jour dans ses yeux, brisée en deux, écrasée dechaînes, accroupie près d'une cruche et d'un pain sur un peu de paille dans la mare d'eau qui se formait souselle des suintements du cachot, sans mouvement, presque sans haleine, elle n'en était même plus à souffrir,Phoebus, le soleil, midi, le grand air, les rues de Paris, les danses aux applaudissements, les doux babillagesd'amour avec l'officier, puis le prêtre, la matrulle, le poignard, le sang, la torture, le gibet, tout cela repassaitbien encore dans son esprit, tantôt comme une vision chantante et dorée, tantôt comme un cauchemardifforme; mais ce n'était plus qu'une lutte horrible et vague qui se perdait dans les ténèbres, ou qu'unemusique lointaine qui se jouait là-haut sur la terre, et qu'on n'entendait plus à la profondeur où lamalheureuse était tombée.Depuis qu'elle était là, elle ne veillait ni ne dormait.Dans cette infortune, dans ce cachot, elle ne pouvait pasplus distinguer la veille du sommeil, le rêve de la réalité, que le jour de la nuit.Tout cela était mêlé, brisé,flottant, répandu confusément dans sa pensée.Elle ne sentait plus, elle ne savait plus, elle ne pensait plus.Tout au plus elle songeait.Jamais créature vivante n'avait été engagée si avant dans le néant.Ainsi engourdie, gelée, pétrifiée, à peine avait-elle remarqué deux ou trois fois le bruit d'une trappe qui s'étaitouverte quelque part au-dessus d'elle, sans même laisser passer un peu de lumière, et par laquelle une mainlui avait jeté une croûte de pain noir.C'était pourtant l'unique communication qui lui restât avec les hommes,la visite périodique du geôlier.Une seule chose occupait encore machinalement son oreille: au-dessus de sa tête l'humidité filtrait à traversles pierres moisies de la voûte, et à intervalles égaux une goutte d'eau s'en détachait.Elle écoutaitstupidement le bruit que faisait cette goutte d'eau en tombant dans la mare à côté d'elle.Cette goutte d'eau tombant dans cette mare, c'était là le seul mouvement qui remuât encore autour d'elle, laseule horloge qui marquât le temps, le seul bruit qui vint jusqu'à elle de tout le bruit qui se fait sur la surfacede la terre.Pour tout dire, elle sentait aussi de temps en temps, dans ce cloaque de fange et de ténèbres, quelque chose defroid qui lui passait çà et là sur le pied ou sur le bras, et elle frissonnait.Depuis combien de temps y était-elle, elle ne le savait [ Pobierz caÅ‚ość w formacie PDF ]