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.Répétez le serment, dit-il avec passion; si vous aviez été juste, si cette malheureuse qualité de prince nem'eût pas nui, vous m'eussiez accordé par pitié pour mon amour ce que vous me devez maintenant parce quevous l'avez juré.Si je revois Fabrice non empoisonné, s'il vit encore dans huit jours, si Son Altesse le nomme coadjuteuravec future succession de l'archevêque Landriani, mon honneur, ma dignité de femme, tout par moi sera fouléaux pieds, et je serai à Son Altesse.Mais, chère amie, dit le prince avec une timide anxiété et une tendresse mélangées et bien plaisantes, jecrains quelque embûche que je ne comprends pas, et qui pourrait détruire mon bonheur, j'en mourrais.SiCHAPITRE XXV 241La Chartreuse de Parmel'archevêque m'oppose quelqu'une de ces raisons ecclésiastiques qui font durer les affaires des années entières,qu'est-ce que je deviens? Vous voyez que j'agis avec une entière bonne foi; allez-vous être avec moi un petitjésuite?Non: de bonne foi, si Fabrice est sauvé, si, de tout votre pouvoir, vous le faites coadjuteur et futurarchevêque, je me déshonore et je suis à vous."Votre Altesse s'engage à mettre approuvé en marge d'une demande que Mgr l'archevêque vous présenterad'ici à huit jours."Je vous signe un papier en blanc, régnez sur moi et sur mes Etats, s'écria le prince rougissant de bonheur etréellement hors de lui.Il exigea un second serment.Il était tellement ému, qu'il en oubliait la timidité qui lui était si naturelle, et,dans cette chapelle du palais où ils étaient seuls, il dit à voix basse à la duchesse des choses qui, dites troisjours auparavant, auraient changé l'opinion qu'elle avait de lui.Mais chez elle le désespoir que lui causait ledanger de Fabrice avait fait place à l'horreur de la promesse qu'on lui avait arrachée.La duchesse était bouleversée de ce qu'elle venait de faire.Si elle ne sentait pas encore toute l'affreuseamertume du mot prononcé, c'est que son attention était occupée à savoir si le général Fontana pourrait arriverà temps à la citadelle.Pour se délivrer des propos follement tendres de cet enfant et changer un peu le discours, elle loua un tableaucélèbre du Parmesan, qui était au maître-autel de cette chapelle.Soyez assez bonne pour me permettre de vous l'envoyer, dit le prince.J'accepte, reprit la duchesse; mais souffrez que je coure au-devant de Fabrice.D'un air égaré, elle dit à son cocher de mettre ses chevaux au galop.Elle trouva sur le pont du fossé de lacitadelle le général Fontana et Fabrice qui sortaient à pied.As-tu mangé?Non, par miracle.La duchesse se jeta au cou de Fabrice et tomba dans un évanouissement qui dura une heure et donna descraintes d'abord pour sa vie, et ensuite pour sa raison.Le gouverneur Fabio Conti avait pâli de colère à la vue du général Fontana: il avait apporté de telles lenteurs àobéir à l'ordre du prince, que l'aide de camp, qui supposait que la duchesse allait occuper la place de maîtresserégnante, avait fini par se fâcher.Le gouverneur comptait faire durer la maladie de Fabrice deux ou troisjours,"et voilà, se disait-il, que le général, un homme de la cour, va trouver cet insolent se débattant dans lesdouleurs qui me vengent de sa faite".Fabio Conti, tout pensif, s'arrêta dans le corps de garde du rez-de-chaussée de la tour Farnèse d'où il se hâtade renvoyer les soldats; il ne voulait pas de témoins à la scène qui se préparait.Cinq minutes après il futpétrifié d'étonnement en entendant parler Fabrice, et le voyant vif et alerte, faire au général Fontana ladescription de la prison.Il disparut.CHAPITRE XXV 242La Chartreuse de ParmeFabrice se montra un parfait gentleman dans son entrevue avec le prince.D'abord il ne voulut point avoir l'aird'un enfant qui s'effraie à propos de rien.Le prince lui demandant avec bonté comment il se trouvait:Comme un homme, Altesse Sérénissime, qui meurt de faim, n'ayant par bonheur ni déjeuné, ni dîné.Après avoir eu l'honneur de remercier le prince, il sollicita la permission de voir l'archevêque avant de serendre à la prison de la ville.Le prince était devenu prodigieusement pâle, lorsque arriva dans sa tête d'enfantl'idée que le poison n'était point tout à fait une chimère de l'imagination de la duchesse.Absorbé dans cettecruelle pensée, il ne répondit pas d'abord à la demande de voir l'archevêque, que Fabrice lui adressait, puis ilse crut obligé de réparer sa distraction par beaucoup de grâces.Sortez seul, monsieur, allez dans les rues de ma capitale sans aucune garde.Vers les dix ou onze heuresvous vous rendrez en prison, où j'ai l'espoir que vous ne resterez pas longtemps.Le lendemain de cette grande journée, la plus remarquable de sa vie, le prince se croyait un petit Napoléon; ilavait lu que ce grand homme avait été bien traité par plusieurs des jolies femmes de sa cour.Une foisNapoléon par les bonnes fortunes, il se rappela qu'il l'avait été devant les balles.Son coeur était encore touttransporté de la fermeté de sa conduite avec la duchesse.La conscience d'avoir fait quelque chose de difficileen fit un tout autre homme pendant quinze jours; il devint sensible aux raisonnements généraux; il eut quelquecaractère.Il débuta ce jour-là par brûler la patente de comte dressée en faveur de Rassi, qui était sur son bureau depuisun mois.Il destitua le général Fabio Conti, et demanda au colonel Lange', son successeur, la vérité sur lepoison.Lange, brave militaire polonais, fit peur aux geôliers, et dit au prince qu'on avait voulu empoisonner ledéjeuner de M.del Dongo; mais il eût fallu mettre dans la confidence un trop grand nombre de personnes.Lesmesures furent mieux prises pour le dîner; et, sans l'arrivée du général Fontana, M.del Dongo était perdu.Leprince fut consterné; mais, comme il était réellement fort amoureux, ce fut une consolation pour lui de pouvoirse dire: "Il se trouve que j'ai réellement sauvé la vie à M.del Dongo, et la duchesse n'osera pas manquer à laparole qu'elle m'a donnée [ Pobierz caÅ‚ość w formacie PDF ]
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.Répétez le serment, dit-il avec passion; si vous aviez été juste, si cette malheureuse qualité de prince nem'eût pas nui, vous m'eussiez accordé par pitié pour mon amour ce que vous me devez maintenant parce quevous l'avez juré.Si je revois Fabrice non empoisonné, s'il vit encore dans huit jours, si Son Altesse le nomme coadjuteuravec future succession de l'archevêque Landriani, mon honneur, ma dignité de femme, tout par moi sera fouléaux pieds, et je serai à Son Altesse.Mais, chère amie, dit le prince avec une timide anxiété et une tendresse mélangées et bien plaisantes, jecrains quelque embûche que je ne comprends pas, et qui pourrait détruire mon bonheur, j'en mourrais.SiCHAPITRE XXV 241La Chartreuse de Parmel'archevêque m'oppose quelqu'une de ces raisons ecclésiastiques qui font durer les affaires des années entières,qu'est-ce que je deviens? Vous voyez que j'agis avec une entière bonne foi; allez-vous être avec moi un petitjésuite?Non: de bonne foi, si Fabrice est sauvé, si, de tout votre pouvoir, vous le faites coadjuteur et futurarchevêque, je me déshonore et je suis à vous."Votre Altesse s'engage à mettre approuvé en marge d'une demande que Mgr l'archevêque vous présenterad'ici à huit jours."Je vous signe un papier en blanc, régnez sur moi et sur mes Etats, s'écria le prince rougissant de bonheur etréellement hors de lui.Il exigea un second serment.Il était tellement ému, qu'il en oubliait la timidité qui lui était si naturelle, et,dans cette chapelle du palais où ils étaient seuls, il dit à voix basse à la duchesse des choses qui, dites troisjours auparavant, auraient changé l'opinion qu'elle avait de lui.Mais chez elle le désespoir que lui causait ledanger de Fabrice avait fait place à l'horreur de la promesse qu'on lui avait arrachée.La duchesse était bouleversée de ce qu'elle venait de faire.Si elle ne sentait pas encore toute l'affreuseamertume du mot prononcé, c'est que son attention était occupée à savoir si le général Fontana pourrait arriverà temps à la citadelle.Pour se délivrer des propos follement tendres de cet enfant et changer un peu le discours, elle loua un tableaucélèbre du Parmesan, qui était au maître-autel de cette chapelle.Soyez assez bonne pour me permettre de vous l'envoyer, dit le prince.J'accepte, reprit la duchesse; mais souffrez que je coure au-devant de Fabrice.D'un air égaré, elle dit à son cocher de mettre ses chevaux au galop.Elle trouva sur le pont du fossé de lacitadelle le général Fontana et Fabrice qui sortaient à pied.As-tu mangé?Non, par miracle.La duchesse se jeta au cou de Fabrice et tomba dans un évanouissement qui dura une heure et donna descraintes d'abord pour sa vie, et ensuite pour sa raison.Le gouverneur Fabio Conti avait pâli de colère à la vue du général Fontana: il avait apporté de telles lenteurs àobéir à l'ordre du prince, que l'aide de camp, qui supposait que la duchesse allait occuper la place de maîtresserégnante, avait fini par se fâcher.Le gouverneur comptait faire durer la maladie de Fabrice deux ou troisjours,"et voilà, se disait-il, que le général, un homme de la cour, va trouver cet insolent se débattant dans lesdouleurs qui me vengent de sa faite".Fabio Conti, tout pensif, s'arrêta dans le corps de garde du rez-de-chaussée de la tour Farnèse d'où il se hâtade renvoyer les soldats; il ne voulait pas de témoins à la scène qui se préparait.Cinq minutes après il futpétrifié d'étonnement en entendant parler Fabrice, et le voyant vif et alerte, faire au général Fontana ladescription de la prison.Il disparut.CHAPITRE XXV 242La Chartreuse de ParmeFabrice se montra un parfait gentleman dans son entrevue avec le prince.D'abord il ne voulut point avoir l'aird'un enfant qui s'effraie à propos de rien.Le prince lui demandant avec bonté comment il se trouvait:Comme un homme, Altesse Sérénissime, qui meurt de faim, n'ayant par bonheur ni déjeuné, ni dîné.Après avoir eu l'honneur de remercier le prince, il sollicita la permission de voir l'archevêque avant de serendre à la prison de la ville.Le prince était devenu prodigieusement pâle, lorsque arriva dans sa tête d'enfantl'idée que le poison n'était point tout à fait une chimère de l'imagination de la duchesse.Absorbé dans cettecruelle pensée, il ne répondit pas d'abord à la demande de voir l'archevêque, que Fabrice lui adressait, puis ilse crut obligé de réparer sa distraction par beaucoup de grâces.Sortez seul, monsieur, allez dans les rues de ma capitale sans aucune garde.Vers les dix ou onze heuresvous vous rendrez en prison, où j'ai l'espoir que vous ne resterez pas longtemps.Le lendemain de cette grande journée, la plus remarquable de sa vie, le prince se croyait un petit Napoléon; ilavait lu que ce grand homme avait été bien traité par plusieurs des jolies femmes de sa cour.Une foisNapoléon par les bonnes fortunes, il se rappela qu'il l'avait été devant les balles.Son coeur était encore touttransporté de la fermeté de sa conduite avec la duchesse.La conscience d'avoir fait quelque chose de difficileen fit un tout autre homme pendant quinze jours; il devint sensible aux raisonnements généraux; il eut quelquecaractère.Il débuta ce jour-là par brûler la patente de comte dressée en faveur de Rassi, qui était sur son bureau depuisun mois.Il destitua le général Fabio Conti, et demanda au colonel Lange', son successeur, la vérité sur lepoison.Lange, brave militaire polonais, fit peur aux geôliers, et dit au prince qu'on avait voulu empoisonner ledéjeuner de M.del Dongo; mais il eût fallu mettre dans la confidence un trop grand nombre de personnes.Lesmesures furent mieux prises pour le dîner; et, sans l'arrivée du général Fontana, M.del Dongo était perdu.Leprince fut consterné; mais, comme il était réellement fort amoureux, ce fut une consolation pour lui de pouvoirse dire: "Il se trouve que j'ai réellement sauvé la vie à M.del Dongo, et la duchesse n'osera pas manquer à laparole qu'elle m'a donnée [ Pobierz caÅ‚ość w formacie PDF ]